C'est le matin, enfin... 3h42 du matin pour être précise.
Je me réveille, je grogne, je suis pas loin de pleurer... Maman ouvre un oeil, plonge son bras dans la nacelle à côé du lit et me récupère comme elle peut, dans un état proche du coma profond.
Moi, j'ai le regard vitreux, la lèvre molle, la bave coulante... Comme je peux, j'attrape ma main et commence à la sucer avec force, avant d'éclater en larmes... rien, il n'y a rien !
Mon ventre gargouille, mon regard se fige, ma bouche se mets à trembler. Inconsciemment, j'entame les gestes utiles, ceux qui font venir le shoot... rien, mais rien ! un néné, il me faut un néné ! J'attrape tout ce qui passe à portée de bouche : main, pouce, couverture... je ne reconnais plus rien, il me faut ma dose, VITE !
Maman est toujours dans un état second, elle me colle contre elle et commence déjà à se rendormir... et moi, je n'ai toujours pas ma dose...
Tel un dealer, elle finit par m'aider à m'injecter mon shoot... d'une main pesante et endormie, elle me colle le néné dans la bouche, et repart aussitôt dans un profond sommeil...
Telle une droguée, je me fais mon shoot de lait, seule dans la nuit... Mon ventre se remplit, ma bouche ne tremble plus, mes yeux se ferment... personne n'aura été témoin de ma dope...
ça va mieux... le calme est revenu. Je garde le néné pour savourer encore un peu... dans 3h, je le sais... il me faudra un nouveau shoot... encore et toujours un peu plus.
Un jour peut-être, il y aura overdose... ça arrive les overdoses. Et dans le monde des bébés, on en a peur, car on sait ce que cela signifie... Mais on ne peut rien y faire : il nous faut notre shoot, notre néné, notre dose de lait... et toutes les 3h, c'est la même chose : trouver une maman prête à dealer, où que l'on soit... affronter le regard des bien-pensants, jugeant notre mode de vie, évaluant le shoot, se disant qu'au moins, il faudrait faire ça ailleurs... Et si overdose il y a, le T-shirt de maman servira de bavoir...
Mais la nuit, seules les étoiles de la veilleuse sont témoins de ce moment... Et si overdose il y a, seuls les draps seront témoins du reflux.
Et vers 6h... maman se réveille... me retrouve collée contre elle, prête à recommencer... et se demande toujours comment j'ai pu arriver là, ne se souvenant à peine du manque de la nuit...Elle... elle dormait.
Dors maman... bébé se défonce au lait !